Exposition dans l’église du village
Bénédicte Vallet
La petite église romane de Bussière-Badil fut un magnifique écrin pour les œuvres provenant de la prestigieuse collection du musée Bernard-Palissy en 2021 et 2022. L’année dernière, c’est Patrick Rollet, l’un des pères fondateurs de notre manifestation, qui présentait ses grands plats picturaux et ses Vénus de fécondité au sein de l’édifice du XIIe siècle. L’équipe de Quatre à Quatre choisit cette année de donner carte blanche à Bénédicte Vallet, une créatrice mêlant textile et céramique.
Un monde lumineux, mouvant et sonore
Et ne remonte-t-il pas le temps plus encore en puisant son inspiration jusqu’au Paléolithique, sculptant, en porcelaine ou en grès, ses « déesses mères, (ses) Vénus de fécondités », appellations souvent données aux mystérieuses statuettes découvertes au siècle dernier.
Ce que l’on a côtoyé enfant imprime dans nos corps, dans nos mains, dans notre esprit une trace. Bénédicte Vallet construit une œuvre faite de ces bribes de passé : celles du lieu qu’elle investit et celles qui l’habitent depuis longtemps. Durant son enfance, elle observe avec attention les artisans potiers et vanniers du souk de Tananarive. Devenue adulte, elle décide de se former au travail de la matière pour faire siens ces gestes mille fois regardés. Mémoires venues du fond des âges, l’habileté de ces femmes et de ses hommes modelant la terre ou tissant des paniers se mêle désormais à son œuvre.
L’observation de la nature, mais aussi le glanage sont constitutifs de l’œuvre de Bénédicte Vallet. Un morceau de bois sera trempé dans la barbotine, une écorce servira d’empreinte… La trace est présente à travers un mouvement qu’elle imprime dans des gestes lents et répétitifs. Façonnée entre ses mains, elle salit la surface blanche et lumineuse de la porcelaine avec un jus de terre avant la cuisson de haute température, pour donner de la profondeur, améliorer le jeu d’ombre et de lumière. Elle participe également de l’empreinte du temps ancien et convoque notre imaginaire pour nous emporter dans des rêves d’archéologie d’un passé mystérieux. Est-ce un ossement, un morceau de corail… ?
L’assemblage des éléments en porcelaine avec le fil de lin ou de chanvre est l’espace de liberté dans lequel Bénédicte Vallet explore des Nouages existant dans la vannerie ou le tissage et invente, au gré des nouvelles formes façonnées et du projet en cours.
En nous révélant ce passé enfoui, Bénedicte Vallet met au jour un travail énigmatique et vibrant. Les formes se révèlent différentes à chaque fois qu’on les manipule : posée d’une certaine manière, celle-ci évoque un squelette, suspendue c’est une tenture qui nous apparaît. Et chacune a sa propre voix : en s’entrechoquant, les éléments de porcelaine produisent des sons, des chants, toujours uniques et singuliers. Si, au premier regard, les sculptures de Bénédicte Vallet évoquent un microcosme maritime, son œuvre est plus complexe car son univers convoque tout autant le minéral, l’animal, le végétal mais aussi le passage du temps : des gestes ancestraux qu’elle réinvente et s’approprie dans une valse lente avec les éléments pour faire surgir du fond des âges un monde lumineux, mouvant et sonore.